Depuis 2015, les moutons sont présents en forêt de Fontainebleau. Comme tout le monde, je me suis demandé pourquoi privatiser des hectares entiers au détriment de la faune et des usagers de la forêt. Bien que la circulation soit possible sur les chemins où ils résident, j’ai voulu faire le point sur le résultat en 2019 de ce qui semblait être une bonne idée.
La plaine de Macherin avant les moutons
Cela fait des années que je visite La Plaine de Macherin en tant qu’observateur de la nature. J’y fais des photos et je connais dans une certaine mesure ce que chaque saison produit comme papillons, oiseaux et fleurs. J’ai quelques années de pratique de cet endroit. Même, s’il me reste encore plein de choses à découvrir en ce lieu, je pense avoir un aperçu de ce coin fabuleux.
Et puis, j’apprends que l’ONF a eu l’idée du siècle ! Pourquoi ne pas introduire des moutons pour éviter la fermeture des milieux sur la plaine ? À la base, l’idée se tient puisque cela évite l’intrusion des machines et le bruit. Je me souviens avoir été fortement contrarié de me voir confisquer 40 hectares pour des moutons. Vous allez me dire que l’accès des enclos est libre. C’est vrai, mais il demeure une gène pour la faune que la présence du berger, du chien et des moutons entraîne.
Il faut savoir que pour rester sur place, le berger dispose d’une caravane installée sur la parcelle et d’un chien. Des chemins d’accès ont été créés pour accéder au centre. Ce sont forcément des allers et venues pour de multiples raisons. Dans cette organisation, je ne vois pas où la biodiversité y gagne aujourd’hui. Je pense qu’aujourd’hui on y a pas mal perdu…
Impacts de la présence des moutons sur l’écosystème
Tout d’abord, si je me souviens ils doivent rester 3 ans sur place (rien de moins sûr). Ce qui veut dire qu’ils vont parcelle par parcelle brouter toute la végétation au sol, ne laissant que les racines des plantes. Pour moi, c’est le premier problème. La surface doit être suffisamment étendue pour permettre une rotation. Est-ce que cette rotation laissera la flore se régénérer ? Et puis, qui décide des parcelles à brouter ? Est-ce le berger qui a autorité pour conduire son troupeau où bon lui semble ? Je pose ces questions, car les insectes, notamment les papillons pondent sur les plantes sauvages. Si les moutons mangent ces mêmes plantes avant que le papillon n’émerge, toute une génération d’insectes sera réduite à néant. Si une petite population de papillon comme le céphale disparaît d’une zone donnée en forêt de Fontainebleau, elle ne sera pas reconstituée.
Ensuite, quand je vois la plaine herbacée (côté droit en arrivant de Fontainebleau) sans papillons, sans chardons, sans vipérines, j’ai du mal à croire que cette opération a été étudiée en amont. Le constat cette année pour le mois de mai juin est déplorable. La météo était mauvaise, mais la tonte des moutons n’a pas arrangé les choses. Les autres années, à cette même époque, j’ai photographié la vie de cette pelouse. Vendredi 10 juin, j’y suis allé pour constater un désert biologique où règne l’herbe verte. Aucune vipérine, pas de chardons et bien sûr pas de papillons. J’avais l’impression d’être au bois de Vincennes sur une pelouse complètement nettoyé de toute vie.
Le but de faire venir le berger et ses bêtes est de permettre aux oiseaux comme la pie-grièche de revenir nicher dans ces lieux. Je pense que pour cette espèce comme pour d’autres, il faudra attendre le départ des moutons pour son retour. Sachez que pour permettre aux moutons de rester. L’ONF a clôturé, débroussaillé de larges zones sur la plaine pour que la voiture du berger puisse circuler au cœur de la plaine loin des sentiers. De plus, il réside au milieu de la plaine, au cœur de ce qu’il faut protéger et enrichir.
Ne pensez-vous pas, que les roues de la voiture n’abîment pas le terrain, que cette présence permanente pendant 3 ans ne va pas déranger la faune (sanglier, cerfs, chevreuils, etc.) ? Soyons sérieux, cet homme n’y est pour rien ! Pour moi, cette décision et ces conséquences sont imputables à l’ONF.
La forêt est en chantier permanent avec ces coupes, ses parcelles de régénérations, ses bûcherons qui salissent tous les lieux qu’ils ont visités en laissant canettes et bidons. Et je ne parle pas des chemins aplatis par des camions de plusieurs tonnes. La nature n’a pas le temps de prendre des repères que l’on détruit tout au nom de la rentabilité.
J’en termine en disant que si on ne chassait plus en forêt de Fontainebleau, il y aurait plus de ruminants sauvages, donc moins besoins d’avoir recourt aux moutons. Si on stoppait la coupe du bois, il n’y aurait plus d’enclos de régénération, donc une nourriture pour cette faune et moins de concentration dans certaines parties du massif forestier. La biodiversité en profiterait pour se renforcer.
On a droit de rêver un peu, non !?
Quid de l’inventaire animal et végétal ?
Après plusieurs mois d’expérimentation, un inventaire des espèces et des habitats sera réalisé pour mesurer l’efficacité de cette intervention. Sources ONF
Aujourd’hui en 2019, qu’est devenu cet inventaire promis ?
Les plantes repousseront probablement. Mais les espèces qui ont été dérangées, voir sacrifiées sur l’autel de la protection de la biodiversité qui va les ramener, l’ONF ? Tiens, je me pose une question, avons-nous une étude avant le passage des moutons pour connaître les espèces répertoriées sur le site. Si oui, peut-on avoir accès à celle-ci, juste histoire d’avoir de savoir si elle a été faite et de constater les écarts ?
En terme d’image, le passage du berger avec ses moutons dans Fontainebleau fait très nature et retour aux sources. Mais soyons sérieux, ce n’est que du folklore destiné à attirer des touristes ! Quatre ans après, non seulement, je trouve que le site s’est appauvri en oiseaux et en papillons, mais je n’ai aucun retour d’informations sur ce fameux inventaire qui devait nous éclairer sur le succès de cette pratique. En tant qu’observateur naturaliste, je n’ai pas mon compte…
Cet écopaturâge en tout cas ne fait pas que des satisfaits.
Pour moi, comme pour d’autres cette question des moutons de la forêt de Fontainebleau est une affaire à suivre.
Au Moyen-âge on effectuait un pâturage dans les bois.
Cela se faisait dans un cadre bien précis avec les lois de l’époque.
Et la la flore a perduré. La preuve ? Vous vous évertuez maintenant à vouloir la préserver sans mouton.
Enfin on apprend aujourd’hui que la forêt vierge amazonienne est un mythe.
Elle était peuplée de manière conséquente avant l’arrivée du colon européen qui la dépeupla en décimant les populations par la variole et autre épidémie.
Les plaines intraforestières sont des écosystèmes à part entière.
Les moutons broutent la végétation et laissent le sol à nu.
Les insectes pollinisateurs et autres qui résident dans cet écosystème se retrouvent privé de cette ressource.
Les pontes de Nymphalidés liées au prairies sèches disparaissent avec le passage des ovins.
Les abeilles, bourdons et autres coléoptères désertent les lieux.
Par voies de conséquences, les oiseaux insectivores ont plus de mal à trouver leur nourriture.
La répétition, année après année, détériore la biodiversité autrefois bien présente avant leur passage.
Alors oui, la flore repousse car les semences sauvages sont là mais l’entomofaune et ceux qui en dépendent en pâtissent.
Bonjour,
le pâturage reste une technique ancestrale pour maintenir les milieux ouverts. Certes il peut y avoir une année crash en reprise de pâturage, qui existe aussi par le broyage.
Je suis persuadé que à N+2 N+3 on constatera une amélioration des populations oiseaux, entomofaune et une flore typique.
entre bruler du pétrole pour le maintien des milieux ou produire des moutons de qualité pour gérer les milieux. La meilleure solution est où?
Bonjour Yann,
La meilleur solution ne serait-elle pas d’envisager plus de ruminants sauvages, tout simplement ?
Je suis d’accord avec vous sur la question du pétrole ou des moutons mais dans ce cas allons au bout
de cette idée et interdisons les semi-remorques en forêt pour des solutions moins dégradantes.
Pendant qu’on y est, arrêtons aussi l’exploitation du bois en forêt et laissons là se refaire une santé
au profit des animaux, suffisamment longtemps pour dynamiser le retour/l’implantation des espèces qui
nécessitent de la tranquillité ou pour fixer les autres.
Je sais que choisir entre l’économie et l’écologie, le choix est vite fait…
En tous cas, merci de votre réponse sur ma question.
Cordialement
Djamal
Pour l’écopaturage la vision court terme ne fonctionne pas.
Quelle est la durée visée par l’écopaturage Yann ?
Informations génériques:
http://ct34.espaces-naturels.fr/sites/default/files/documents/ct34/gestion_ecologique_paturage.pdf
http://ct22.espaces-naturels.fr/le-paturage
Le projet est accompagné depuis le début par des associations de protections de la nature …
Je suis entièrement d’accord. Nous sommes dans une société qui nous fait du spectacle pour camoufler la vérité. La société fonctionne ainsi depuis très longtemps mais aujourd’hui c’est encore plus prégnant !
comme toujours dès que l’ONF entreprend des actions quisortent des sentiers battus il y a la vollé de bois vert qui s’abat.
Toutes les actions entreprises le sont après concertations avec le monde naturaliste (associatif et pro).
Il y a eu sur cette plaine comme sur d’autres sites des études et inventaires avant travaux y compris pâturage et il y en aura après pour voir si la biodiversité a été la grande bénéficiaire ou pas .
Ces inventaires et études sont le fait de naturalistes pro(MNHN…) ou d’experts reconnus.
Je vous suggère tout comme l’auteur de l’article mentionné en lien de vous manifester auprès de l’ONF pour éventuellement participer aux réunions de la commission environnement. Vous pourrez faire valoir vos arguments lors des discussions et d’être ainsi constructifs comme tous ceux qui contribuent à faire évoluer la politique environnementale de l’ONF.
Monsieur Lagarde,
En tant qu’observateur respectueux de la nature, je m’interroge comme beaucoup d’autres sur cette idée des moutons.
Ce que j’observe dans un premier temps est que la partie prairie/pelouse sèche est en net déficit d’insectes depuis plusieurs mois.
Ma visite sur le site m’a confirmé que ce n’était plus qu’une pelouse d’herbe sans papillons. Là où il devait y avoir des vipérines,
ce n’était plus que des moignons de plante même pas fleuris alors qu’à la même époque les autres années, c’est couvert de fleurs et de papillons !
Je n’irais pas plus loin, car je ne suis pas un pro de l’environnement comme certains.
Votre commentaire suggère que vous êtes bien au courant de ce qui s’est passé en amont.
Pouvez-vous nous dire ce que dit l’étude préalable sur les insectes, notamment sur les papillons ?
« Les moutons de la forêt de Fontainebleau – Bienfait ou désastre ? »
Voilà un très bon sujet de philosophie ?
J’aime les moutons dans les prés lorsque l’on peut les apercevoir de la route ; bien protégés par des clôtures, ils sont en sécurité et c’est bien connu, entretiennent les terres comme personne ! De vraies tondeuses …
Je pense que les moutons ne sont pas faits pour la vie en forêt (sinon qu’ils entretiennent certaines parties de la forêt où effectivement la bio-diversité sera de plus en plus rare à ces emplacements !).
La forêt est le refuge des animaux sauvages, comme les biches, les cerfs et les chevreuils et la diversité de sa flore et ce qui l’entoure me semble indispensable à la vie et la renommée de la forêt de Fontainebleau.
Dossier à suivre ….
Dominique Marie Foultier
Je pense qu’une des raisons de leur présence est économique ! En plaçant des moutons, l’ONF économise la mise en place d’un nettoyage de parcelle.
Le problème est que les animaux domestiques mangent tout ce qu’ils trouvent sans distinction et c’est bien là le problème.
Donc effectivement, voyons ce que cela donnera…
Dominique
Oui, je rejoins votre idée pour la raison économique qui semble bien vue d’un côté mais de l’autre … je suis moins optimiste.
Merci de votre réponse.
Cordialement.